CTA du 14 novembre 2022 – Déclaration liminaire de la FSU

Déclaration des élu·es FSU au CTA du 14 novembre 2022
Le Service Public Laïc d’Education et son renforcement, à laquelle la FSU est toujours attachée, est-il une priorité du gouvernement ? Les déclarations ministérielles et les choix politiques permettent d’en douter. L’adoption du budget grâce à l’article 49.3, au-delà de la forme autoritaire, n’est pas sans nous surprendre par sa récurrence, 4 en 14 jours. Avec ce passage en force, la Première ministre nous dépossède du débat sur l’Education Nationale, et donc de tout échange sur la politique éducative de la nation. Le gouvernement pourra ainsi imposer de nouvelles suppressions de postes, -1144 dans le premier degré, – 500 prévus en 2023 dans le second degré, après 7900 pendant les cinq dernières années ! Il n’aura pas à se justifier de son refus de créer un statut d’AESH et pourra financer de façon plus avantageuse l’enseignement privé religieux sous contrat. Il pourra continuer à mentir sur une « revalorisation » à 10% du salaire des enseignant ·es, qui n’atteindra pas ce taux, puisqu’elle intègre des mesures déjà actées.
Les Services Publics sont les premières victimes de ces politiques, qui ne cachent plus leurs intentions de poursuivre leur démantèlement.
Après les réformes du lycée et du baccalauréat, qui génèrent angoisse et stress pour les élèves et leurs familles et ont dégradé les conditions de travail des enseignant.es, c’est une réforme de la voie professionnelle qui est annoncée qui marque la continuité du projet éducatif mis en oeuvre depuis cinq ans par le gouvernement d’E. Macron. Ce projet constitue un recul sans précédent du service public d’Éducation. C’est l’abandon de toute ambition scolaire pour nos élèves. C’est aussi la transformation en profondeur du métier de PLP qui est en jeu. Alors que la voie professionnelle publique et scolaire forme des jeunes à des métiers, elle muterait pour devenir une voie de formatage à l’employabilité. Les PLP, moins nombreuses et nombreux, ne seraient plus enseignant·es mais formateurs. En augmentant le nombre de semaines de PFMP et en passant de 22 à 33 semaines en bac pro et de 12-14 à 18-21 en CAP, on diminue d’autant le nombre de semaines au lycée, donc le nombre d’heures disciplinaires. En conséquence, c’est la diminution du nombre de PLP. En 2023, si ce projet aboutit, la préparation à un métier ne s’effectuera qu’en classe de 1re. Les élèves n’auront quasiment plus d’heures d’atelier puisque l’entreprise aura la charge de les « former » ! Qui peut croire qu’apprendre « sur le tas » des gestes professionnels constitue une formation sérieuse à un métier ? Faire croire que l’entreprise serait formatrice est un leurre. La réussite des élèves à l’examen et les poursuites d’études seront sérieusement compromises. Les conséquences seront aussi dramatiques pour les postes des PLP des disciplines professionnelles. À travers son projet de réforme, E. Macron passe sous silence un autre enjeu de taille : la pérennité du statut des PLP et l’existence du lycée professionnel public.
D’ores et déjà, des fermetures de lycées professionnelles ont été annoncées en région parisienne. Qu’en sera-t-il dans notre académie ?
Certains secteurs d’activité (hôtellerie restauration, bâtiment, métiers de bouche…) sont désertés par les actifs·ves du fait des conditions salariale et de travail déplorables. Plutôt que d’obliger le patronat à revaloriser les métiers et améliorer les conditions de travail, le ministère préfère instrumentaliser la formation professionnelle des jeunes sortant de 3e vers ces secteurs : les élèves n’auront donc plus réellement le choix de leur orientation. Il leur sera impossible de se former à un métier qui n’existe pas localement ou qui ne soit pas un métier dévalorisé. Leur mobilité future s’en trouvera alors limitée. Côté PLP, avec la fermeture des filières dites « sans débouchés » et l’augmentation de la durée des stages, de nombreux·ses PLP perdront leur poste. Où iront-ils·elles enseigner ? Le président lui-même évoque déjà de nécessaires reconversions forcées, un plan social qui ne dit pas son nom. Où irons les élèves rejoignant à l’heure actuelle le lycée professionnel à l’issue de la classe de 3 ? En Lycées Généraux et Technologiques dans des classes de seconde déjà surchargées avec des programmes lourds et bien peu conçus pour la poursuite vers la voie technologique ? Alors qu’elle a déjà pâti des réformes Blanquer au lycée, la voie technologique serait encore sous tension avec des effectifs à la hausse en pré-bac et un effondrement en BTS des cohortes de bacheliers professionnels.
Pour le SNUEP et la FSU, la carte des formations doit évoluer dans l’intérêt général du pays au prisme des grands enjeux écologiques, de la prise en charge du Grand âge, de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de la nécessaire réindustrialisation, du numérique… Chaque jeune, quel que soit le lieu géographique de son domicile, doit pouvoir trouver la formation de son choix.
Le renvoi de la ventilation du volume d’enseignement général au niveau local est une remise en cause même du caractère national des diplômes professionnels. C’est aussi la remise en cause de la dimension émancipatrice de la formation des jeunes à laquelle participent toutes les disciplines. Les élèves n’auront
plus accès à une formation nationale et ne seront plus à égalité devant leurs épreuves à l’examen ! La FSU est fermement attachée au principe d’égalité de notre école républicaine et revendique le maintien d’une grille horaire nationale pour toutes les filières professionnelles et le maintien des diplômes nationaux.
Par ailleurs, la ministre a confirmé vouloir renforcer le développement de l’apprentissage et le mixage des publics. Dans notre académie, de nombreux.ses enseignant.es expérimentent déjà ce mixage des publics et leur appréciation est sans appel : ce mode d’enseignement n’est pas profitable aux élèves et génèrent de nombreuses difficultés pour les enseignant.es concerné.es dans la mise en oeuvre de leur enseignement.
Ce projet n’est pas sans conséquences pour l’ensemble du système éducatif : les PsyEN et les professeurs principaux de collège ne seraient pas à l’abri de pressions pour encourager les élèves et leur famille à s’engager dans des domaines qui n’attirent pas les jeunes. La demi-journée hebdomadaire d’initiation aux entreprises dès la classe de cinquième s’inscrit pleinement dans cette perspective. L’engouement de certaines fondations d’entreprises ou de branches professionnelles à se présenter devant des jeunes de moins de 15 ans n’est en rien désintéressé. Il s’agit d’attirer, en supprimant des heures de cours, l’attention de certains jeunes quitte à les soustraire à terme à la formation sous statut scolaire pour une sortie précoce vers l’apprentissage.
Les questions de formation des élèves semblent être scellées dans le projet de réforme des lycées professionnels, et sont, pour nous, révélatrices d’une politique néolibérale avec une vision utilitaire de l’éducation.
Ainsi l’ouverture des collèges vers l’extérieur au travers des dispositifs « de découverte des métiers et de l’entreprise » et les « 2 heures de sport » est un renforcement des assignations territoriales et sociales. Ce « toujours plus d’autonomie », de projet locaux et de moins de disciplinaire s’opposent à une école émancipatrice, égalitaire et démocratique. Cette « Ecole du futur » proposée par E. Macron, s’inscrit donc dans la continuité de la politique de J.M. Blanquer et veut réduire les temps d’acquisition des savoirs disciplinaires au profit de compétences au service « d’une employabilité ».
Cette réforme est imposée de manière autoritaire et pyramidale sans qu’un diagnostic rigoureux sur les difficultés des élèves et des personnels n’ait été discuté. La FSU, qui porte une toute autre ambition pour le Service public d’Education et ses usager.eres, exige du ministère de l’Éducation Nationale le retrait de son projet de réforme et l’organisation au plus vite de véritables groupes de travail en présence des syndicats des lycées professionnels, des organisations de parents d’élèves et de jeunesse. Elle appelle l’ensemble des personnels à se mobiliser contre ce projet de réforme lors de la journée de grève du 17 novembre.
C’est dans ce contexte qu’a lieu ce premier CTA de l’année scolaire avec pour ordre du jour le bilan de la rentrée 2022 qui a marqué un cran supplémentaire en matière de dégradation des conditions de travail de l’ensemble des agent.es, et particulièrement les plus précaires dont font partie nos collègues AESH.
En effet, alors que notre institution devrait prendre toutes les précautions pour gérer ces personnels, dans leur intérêt mais également dans celui des élèves qu’elles accompagnent, elles se sont retrouvées une fois de plus dans l’ignorance de leurs affectations jusqu’au jour de la pré-rentrée. Aussi, ce sont des dizaines d’AESH qui n’ont perçu qu’une partie de leur salaire en septembre, voire en octobre. Ces personnels vivant quotidiennement dans les affres de la précarité se voient une fois de plus méprisées par notre institution.
Nous ne faisons aucun reproche aux personnels administratifs, parfois eux aussi contractuels, devant organiser les affectations et la gestion administrative de ces personnels sans moyens adaptés. L’Etat ne peut plus se satisfaire d’un discours sur l’école inclusive. Les dysfonctionnements sont trop nombreux pour les rendre invisibles. Il doit prendre la mesure des besoins et assumer ses responsabilités. Certaines familles, faute d’AESH affectée pour leur enfant, ont recours à des AESH « privé.es » : la FSU dénonce cette situation et souhaite connaître le nombre de ces AESH.
En ce qui concerne les infirmières et les assistant-es et conseillers-ères techniques de service social de l’Education nationale, les dernières propositions de revalorisation du Ministère, sont indignes de leur engagement et de leur charge de travail pour prendre en charge les conséquences de la pandémie sur la santé des jeunes. Il n’est pas acceptable que le forfait IFSE des infirmières soit le plus faible des ATSS et encore moins que ces professions soient toujours écartées du CTI de 189 euros (Ségur de la santé et conférence nationale du travail social). Si on y ajoute le refus de reconnaître l’exercice spécifique des infirmières par une formation de Master, et plus largement pour ces professions l’accès à la catégorie A type, alors l’attractivité de ces professions, pourtant essentielles dans la lutte contre les inégalités sociales et de santé au service de la réussite scolaire, n’est pas prête de s’améliorer.
Dans le premier degré, le P/E n’atteint pas tout à fait le niveau attendu. L’infléchissement de la baisse démographique semble se confirmer. Si le P/E s’est amélioré ces dernières années, il est loin de répondre aux besoins de l’Ecole. Notre académie manque de personnels pour répondre aux besoins de la ruralité mais également aux besoins de l’école inclusive, des réseaux d’aide, du remplacement, de la formation, de l’éducation prioritaire… Les académies se trouvent à faire des choix dans leur répartition des moyens qui opposent les écoles sans généraliser la nécessité de baisser les effectifs par classe et d’apporter les soutiens suffisants à la gestion de la difficulté scolaire.
Dans le second degré, la crise de recrutement atteint un niveau jamais égalé, certes moindre dans notre académie que dans des académies moins attractives, mais elle est néanmoins bien visible. De nombreuses classes n’avaient pas d’enseignant.es devant elles à la rentrée, des personnels de Vie Scolaire manquaient, tout comme des Psy EN, des infirmier.es, des assistant.es sociaux.les, des personnels administratifs, voire même des personnels de direction. Certaines situations ont trouvé une solution depuis la rentrée. Mais l’état dans lequel se trouve le Service Public d’Education après cinq années d’une politique libérale qui a acté la suppression de 7900 postes d’enseignant.es (soit l’équivalent de 175 collèges rayés de la carte), n’a cessé de mépriser les personnels, de les soumettre à des injonctions et pressions hiérarchiques, de dégrader leurs conditions de travail et les conditions d’apprentissage des élèves, d’accroître les inégalités sous couvert de lutter contre et renforcer le tri social. Ce bilan accablant, ce sont les personnels qui y sont confrontés au quotidien et en subissent les conséquences.
La FSU s’inscrit dans une toute autre vision de l’Ecole dotée des moyens nécessaires à ces missions.